Export de blé : la France étriquée sur l’échiquier mondial
Confrontée à la deuxième plus petite moisson de la décennie, la France voit la plupart de ses concurrents engranger de bonnes récoltes. Le point avec Nathan Cordier, analyste chez Agritel.
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Avec 29,2 Mt estimées, la production française de blé tendre accuse une baisse de 26 % par rapport à 2019. « Même s’ils ont majoritairement remonté de bons échos sur les principaux critères qualité, les OS voient leur collecte fondre du fait de la chute conjuguée des surfaces (4,28 Mha contre 5 Mha en 2019) et des rendements (68,3 q/ha contre 79 en 2019) », commente Nathan Cordier, analyste chez Agritel.
Une très forte hétérogénéité européenne
Au niveau européen, la récolte s’avère également décevante, avec 136,1 Mt, contre 154,9 Mt en 2019, la plus faible depuis huit ans. « On observe cependant une très forte hétérogénéité avec des pays en net recul et d’autres où la production est record », nuance Nathan Cordier.
Le Royaume-Uni et l’Allemagne ont dû faire face à de mauvaises conditions de semis ainsi qu’à un printemps sec qui ont pénalisé les surfaces et les rendements. Les conditions sèches du printemps ont également été à l’origine « d’un fort décrochage de la production en Bulgarie et Roumanie », ajoute-t-il. Contre toute attente, « l’Espagne s’en sort bien, avec un record de production avec plus de 7 Mt. » Pour les pays baltes, des records sont attendus avec plus de 9 Mt de production, tout comme en Pologne avec plus de 11 Mt.
13,4 Mt disponibles à l’export pour la France
Ainsi, l’Union européenne dispose de 23,5 Mt disponibles à l’export, soit 14,5 Mt de moins que l’année dernière. « Elle va perdre sa place d’exportateur principal, signale Nathan Cordier. On assiste également à un rationnement en alimentation animale, avec une consommation estimée à 48,5 Mt de blé, la plus faible depuis 20 ans. »
Les volumes disponibles à l’export pour la France devraient être de 13,4 Mt cette année, contre 21,4 Mt la campagne passée. 6,3 Mt devraient être expédiés vers les pays tiers, en net recul par rapport à la campagne précédente (13,5 Mt). Autrement dit, « la France n’a pas besoin d’être compétitive sur les pays tiers en ce début de campagne ». Ce qu’elle n’est pas d’ailleurs, contrairement aux pays baltes, à la Pologne ou à l’Allemagne. En revanche, le courant d’affaires vers la Chine poursuit sa bonne dynamique.
« Omniprésence » de la mer Noire
Avec une surface emblavée de blé de 16,6 Mha (+ 1 Mha en un an), la Russie devrait atteindre cette année, malgré des rendements contrastés, un niveau de production estimé à 80,5 Mt, soit son deuxième meilleur niveau de l’histoire, selon Agritel.
L’Ukraine avec 26,25 Mt, accuse pour sa part « une légère baisse par rapport à 2019 du fait de surfaces moins importantes suites aux conditions sèches de l’automne », note Nathan Cordier. Son potentiel à l’export de 17,5 Mt s’avère cependant habituel pour le pays, « l’Ukraine conserve sa place classique d’exportateur ». Et au Kazakhstan, Agritel estime la récolte en dessous de la barre des 13 Mt pour la deuxième année consécutive.
« Pour ces trois pays, on s’attend au deuxième plus gros disponible à l’export derrière 2017 avec 119,4 Mt, analyse Nathan Cordier. On devrait assister à une omniprésence du blé de la mer Noire sur le marché. »
Canada et Australie, compétiteurs de poids
« Aux États-Unis, les surfaces emblavées en blé sont très basses, au plus bas depuis 1919, explique-t-il. La production s’élève à 50 Mt, les disponibilités à l’export sont en recul. » À l’inverse, elles devraient être élevées au Canada. « On s’attend à une très grosse récolte, que l’on estime pour le moment à 35,3 Mt tous blés confondus, la meilleure depuis 2013-2014, à la suite de très bonnes conditions de culture. »
Du côté de l’hémisphère Sud, la récolte australienne devrait cet hiver atteindre 31 Mt, selon les estimations d’Agritel. « Après deux mauvaises années marquées par la sécheresse, elle pourrait potentiellement être revue à la hausse et s’approcher de la moisson record de 2016-2017 de 31,7 Mt. Le pays va devenir un vrai concurrent à l’export cet hiver. »
A contrario, l’Argentine a cette année dû faire face à des conditions très sèches pour ses grandes zones de production. « On estime la production à 18,2 Mt, en recul de 1,5 Mt par rapport à l’an dernier. Cependant, 12,5 Mt devraient être disponibles à l’export, ce qui en ferait la cinquième meilleure performance du pays. »
Un rebond des stocks de report attendu
Ainsi, la production des huit principaux exportateurs s’afficherait à 390 Mt, très proche de celle de l’an dernier (388,7 Mt). Par ailleurs, un rebond des stocks de report est attendu, du fait de la baisse de la consommation animale, mais aussi de la crise sanitaire, avec une légère baisse du niveau d’importation de certains pays dépendants du pétrole ou du tourisme. Jusqu’ici, les achats de l’Algérie ou de l’Arabie saoudite ont été plutôt timides.
Lucie Petit et Renaud FourreauxPour accéder à l'ensembles nos offres :